Paru, il y a quarante cinq ans, le Talleyrand de Louis Madelin est un incontournable. Je viens de le relire avec délectation et curiosité. Délectation d’un livre remarquablement écrit et curiosité, car j’ai appris beaucoup de choses qui étaient cachées à mes connaissances sur cette période historique foisonnante. J’ai pensé intéressant de faire une fiche de lecture sur ce brillant personnage aux multiples facettes et en publier le commentaire dans la rubrique Mes coups de cœur du site L’Écrivain des passions.
Malgré le côté controversé de Louis Madelin, même si, comme moi, vous combattez les idées politiques qu’il afficha, l’ouvrage en lui-même est remarquable par sa densité historique et le détail des évènements qui jalonnent l’histoire de ces siècles.
Extraits de Babelio
Haï ou admiré, Talleyrand demeure un des personnages les plus énigmatiques de l’histoire de France. En biographe inspiré, Louis Madelin déroule le film de sa vie exceptionnelle qui commence avec le couchant de l’Ancien Régime pour s’achever après l’avènement de Louis-Philippe.
Tour à tour évêque apostat, ministre du Directoire de Napoléon et de Louis XVIII, l’homme ne se réduit pas à sa caricature de girouette corrompue.
La fermeté de ses principes en faveur des libertés fondamentales et de l’équilibre européen témoigne au contraire d’une hauteur qui lui permettra d’inspirer le congrès de Vienne et lui vaudra l’estime des véritables hommes d’Etat.
Ce que nous dit la quatrième de couverture
« Je veux que pendant des siècles, aurait dit un jour Talleyrand, on continue à discuter sur ce que j’ai pensé et ce que j’ai voulu. » Le moins qu’on puisse dire est que « ce diable d’homme » (pour reprendre une expression de Napoléon), y est parvenu. Depuis plus d’un siècle, il défie les historiens.
Serviteur de tous les gouvernements et régimes qui se sont succédé depuis Louis XV jusqu’à Louis Philippe – sept ! – il fut, pour les uns, un grand patriote mettant la grandeur et la sécurité de la France au premier rang de ses préoccupations et abandonnant ses maîtres dès qu’ils lui semblaient manquer à leurs devoirs. Pour les autres, les plus nombreux, ce fut un ambitieux hanté par le désir de jouer les premiers rôles quoi qu’il arrive, un épicurien toujours à court d’argent et monnayant ses trahisons, un cynique et un opportuniste masquant son manque de convictions profondes par des formules à l’emporte-pièce et une rhétorique brillante.
Pour une fois, la vérité n’est pas entre ces deux extrêmes : il ne fait pas de doute que ce sont les seconds, les mieux documentés en général, qui ont raison. Talleyrand fut un être sinistre, profondément immoral, amoral même. Mais à la différence d’un Fouché ou de tant de médiocres servis par les circonstances, cet homme d’Ancien Régime a toujours su garder de l’allure, guidé par une intelligence hors du commun. Il eut également des intuitions très justes en matière diplomatique et a su, au Congrès de Vienne, trouver le langage qui convenait auprès des vieilles monarchies européennes pour sauver l’essentiel au nom de Louis XVIII. Par la suite, il a jeté entre la France et l’Angleterre les bases de l’entente cordiale, l’un des éléments fondamentaux de l’histoire européenne contemporaine. (…).
Extrait de la page 122 (un sens de la diplomatie)
« Talleyrand restera toujours hostile à toute inféodation étroite des États italiens à la République française, puis à l’Empire français. Chassée de l’Italie, l’Autriche se retournera vers l’Allemagne ; elle tentera de ressaisir le Saint Empire et, ainsi, sera amenée à s’opposer aux progrès de la Prusse. Il y a mieux ; l’Autriche peut rendre un autre service : arrêter en Orient la marche de la Russie. La Russie c’est la seconde « bête noire » de Talleyrand. Il a pour les Russes une sorte d’horreur de civilisé raffiné pour « un peuple de barbares. »
Ces barbares menacent l’Empire ottoman : or dans tous les temps depuis François Ier, la France s’est appuyée, dans la Méditerranée, sur la Porte et le Grand Seigneur ; les projets de Catherine II visant à ruiner l’Empire ottoman ne peuvent être agréables à la France ; mais l’Autriche seule peut entraver la marche des Russes vers Constantinople. L’alliance avec Vienne peut donc servir à deux fins, brider la Prusse au nord, la Russie en Orient. (…).
Extrait de la page 125 (pourquoi Napoléon, Premier Consul avait fait de Talleyrand son ministre)
« Je sais tout ce que vous ne savez pas ; mais vous savez tout ce que je ne sais pas, disait un jour Bonaparte à son ministre. Le Premier Consul appréciait en celui-ci un informateur de premier ordre. Il tenait l’ex évêque d’Autun pour fort instruit, notamment dans les affaires ecclésiastiques d’avant 1789, des principes de l’Église gallicane, des relations avec le Saint Siège, mais il l’estimait surtout plein de lumières sur les choses de l’étranger. Jusqu’à ce qu’il se soit cru lui-même pleinement initié aux affaires internationales, il lui sera précieux de consulter un homme qui « sait les précédents » et, nourri dans les traditions de l’ancienne politique, a par surcroît, « connu du pays », fréquenté les milieux de Londres, visité l’Amérique et, par ses relations avec les étrangers, pris un contact direct et constant avec le monde. » (…)
Un livre à lire pour comprendre qui fut Talleyrand et ce qu’il a apporté dans cette période complexe
Si on devait qualifier Talleyrand en quelques mots (mais est-ce possible ?) on pourrait dire de lui, qu’il est l’homme du devoir et des devoirs, un extraordinaire connaisseur des affaires internationales, avant tout, sans oublier qu’il était « homme d’argent ! » et épicurien !
Marc Fouquet
21/08/2023