Il a publié son premier roman en 2022 aux Éditions Les Presses Littéraires dans la collection Crimes et châtiments. Aujourd’hui, le site littéraire L’écrivain des passions consacre une tribune à Vincent Vigneau, président de la chambre commerciale, financière et économique de la cour de cassation, qui a signé le roman policier : Les fleurs du lin.
Magistrat depuis 1990, Vincent Vigneau a débuté sa carrière comme juge en Normandie avant d’accéder à la Cour de cassation en 2003 en qualité de conseiller référendaire. À ce titre, il participe à la rédaction du rapport sur la récidive des criminels sexuels commandé en 2008 par le Président de la République, au premier président de la Cour de cassation. En 2011, il est nommé premier vice-président au tribunal de grande instance de Nanterre avant de retrouver en 2015 la cour de cassation où il préside désormais la chambre commerciale, financière et économique. Après avoir publié plusieurs ouvrages juridiques, Vincent Vigneau nous livre un roman policier inspiré de ses expériences personnelles et professionnelles.
Fabrice Raoult, dans La semaine juridique N°48 du 5 décembre 2022, nous confie un commentaire particulièrement intéressant du livre Les fleurs de lin
« Dans la magistrature, plus tu montes dans la hiérarchie, moins t’as de pouvoir (…) et plus tu t’emmerdes » proclame Marie, jeune parquetière désabusée. Rarement à son bureau après 16h, son premier substitut est « aussi doué pour l’intrigue que médiocre en droit » ; un clerc d’huissier entretient une liaison avec la femme de son patron ; la légiste collectionne amants et maîtresses mais sa vraie grande passion n’est ni le sexe ni la médecine, plutôt le whisky ; le commissaire se prend pour James Bond ; le SRPJ de Versailles ? Des « petits prétentieux » sans imagination. Quant à l’avocat, qui n’a « jamais pris la peine d’ouvrir un livre de droit ni un Code civil de sa vie », il consulte à l’hôtel du coin. Mais ce n’est pas tout ! Ni l’université, ni la Cour de cassation ne sont oubliées : un publiciste, enseignant raté de la faculté de Nanterre, se reconvertit – non sans succès – dans une carrière criminelle et quai de l’Horloge, ce n’est guère plus glorieux puisque la Cour ne serait, selon l’un des personnages qui n’y a jamais mis les pieds, qu’un « club de vieux schnocks » gâteux se pavanant en robes rouges (l’auteur démontrera bien sûr qu’il n’en rien). Installé à la présidence de la chambre commerciale, financière et économique de ladite Cour en septembre dernier, si l’ambition de Vincent Vigneau était d’y nouer de nouvelles amitiés, convenons qu’il pouvait mieux s’y prendre. Fort heureusement, tout ça n’est que pure fiction, matière à un premier roman sur fond noir mais haut en couleurs. Publié aux éditions Les presses littéraires, Les fleurs de lin n’est pas seulement un « polar ». C’est le témoignage souvent drôle de 30 ans de magistrature, le récit d’une maladie et de superbes lignes issues d’une méditation sur le pardon, ce « don qui n’attend rien en retour ». L’intrigue de cette « sale affaire à Nanterre » met en scène l’inspecteur Levavasseur, un ex-CRS atteint d’un cancer de la prostate, sa « dette de malheur ». Inspiré du justiciable qui a le plus marqué l’auteur dans sa carrière, le personnage est aussi le fruit de sa propre expérience. Car Vincent Vigneau est un survivant. Quand on lui annonce en 2019 un cancer métastasé et 2 ans maximum d’espérance de vie, il n’admet pas la sentence. « J’étais en colère, j’en voulais à tout le monde », confie-t-il. Alors sans jamais avoir songé à devenir romancier, une fois en rémission, il écrit « d’une traite », cette histoire tissée des réminiscences de son enfance, de sa carrière et de son propre cheminement vers l’apaisement, comme une catharsis. Tant mieux pour le juge Vigneau, en 2023, de nouveaux traitements existent ; tant pis pour le flic Levavasseur, c’est loin d’être le cas en 1993…Ces fleurs de lin ont une fragrance d’années 90 sur fond de fin de règne mitterrandien ; on écoute (le Clash sur des cassettes audio ; les dealers se font payer en francs ; les flics mettent sur écoute les cabines téléphoniques, quand ils ne s’occupent pas de vols d’autoradios ou « d’attendrir la viande » dans les locaux de garde à vue. Çà et là, le juriste trahit sa marque derrière le romancier, délivrant au lecteur quelques bases juridiques : la distinction siège/parquet, le « plumitif », les « dépens », la « transparence », l’ensemble relevé d’un zeste de procédure pénale. Le tout compose un bouquet tantôt léger, tantôt profond, parfois sombre, finalement lumineux.
Une quatrième de couverture qui résume Les fleurs de lin
Rien ne se passe jamais comme prévu. Surtout quand une sale affaire d’infanticide réveille chez l’inspecteur Levavasseur l’envie de régler ses comptes avec son passé. Un récit plutôt inclassable où le déroulement d’une enquête criminelle s’imbrique dans le parcours amoureux d’un couple qui se découvre, s’apprivoise et s’engage dans un projet que le sort s’acharne à contrecarrer.
Mon commentaire : une catharsis de l’auteur ?
Je dois dire que ce roman, qualifié de « presque autobiographique » par le Grand Parisien de mai 2023, a retenu mon intérêt. De lui, on apprécie l’homme des passions, lorsqu’il déclare « j’adore écrire », où lorsqu’il dit « adorer son métier et même l’aride chambre commerciale, financière et économique qu’il préside à la cour de cassation », où lorsqu’il dit « adorer le vélo et le rock alternatif ». En faisant le bilan de sa vie, il se demande quel était le justiciable qui l’avait le plus marqué dans sa vie. Le souvenir d’un CRS assigné devant le tribunal pour financer l’hébergement de sa mère en maison de retraite s’impose. C’était en 1993, cet homme, abandonné enfant dans un orphelinat avait à l’époque 48 ans. Alors que son avocat plaidait l’indignité de la mère devant le tout jeune juge Vigneau, en poste en Normandie, à la surprise générale, le CRS a annoncé qu’il allait payer. « C’est lui, ajoute le magistrat, qui m’a fait comprendre que le pardon, c’est la seule façon de vivre en paix. Dès-lors qu’il a pardonné, il s’est éclos, comme une fleur de lin, cette fleur qui n’éclôt qu’une seule fois. Un livre à lire sans retenue. Passionnant…
Les Fleurs de lin, aux éditions Les Presses Littéraires, collection crimes et châtiments.
Marc Fouquet
25/02/2024