LE CRICKET CLUB DES TALIBANS de Timéri N. Murati (traduit de l’anglais par Josette Chicheportiche), Éditions Gallimard 2014.
Une histoire incroyable
Evidemment, les Talibans ont interdit toute pratique sportive, comme aussi le cerf-volant pour les enfants ou encore la musique. Des pratiques haram, un péché interdit par l’Islam selon eux. Mais autant pour prouver à leurs opposants que la nation afghane pouvait être sportive, que pour toucher des subventions internationales (les subsides auraient été coupés sans une seule pratique sportive), les Talibans ont eu l’idée de promouvoir le… cricket !
Mais si ce sport, arrivé avec les colons britanniques, est fort populaire dans les pays voisins du Pakistan et de l’Inde, l’Afghanistan ne l’a jamais pratiqué. Mais il avait l’avantage de voir ses pratiquants évoluer avec des pantalons et des manches longues… La religion, encore et toujours… A la suite d’un pré-tournoi national, les Talibans ont promis aux lauréats un stage de perfectionnement au Pakistan. Quelques mètres de tissu d’un bleu clair métallique, devinrent notre prison.
Ayant goûté cette discipline en ayant vécu plus jeune au Pakistan, la belle Rukhsana va monter un plan diabolique pour s’évader de cette prison à ciel ouvert. Elle va se grimer en homme, monter une équipe de cricket avec la complicité de son frère et de ses cousins, éviter 1001 pièges qui, s’ils avaient été découverts, lui auraient valu la lapidation et la mort. Avec un seul but : remporter le tournoi national de cricket pour fuir le pays.
On vit cette épopée haletante et souvent suffocante tant les récits dépassent notre entendement sous la grille qui barre les yeux et le visage de cette jeune soumise aux pire dangers pour se sortir de ce guêpier mortifère. Un petit bijou signé Timeri N. Murati et paru en poche chez Gallimard qui mêle fanatisme, politique, sport et volonté de liberté.
Valéry Lefort
Article publié dans Le BERRY Républicain
Résumé du livre – quatrième de couverture.
Quelques mètres de tissu, lisse, fragile et souple, d’un bleu clair métallique, devinrent notre prison… Je disparus, comme d’un coup de baguette magique. Je n’étais plus Rukhsana avec un nez bien à moi, une bouche, des yeux, un front, un menton, des cheveux, mais un linceul vivant, identique à toutes les autres femmes voilées… « Tu arrives à voir ? » demandai-je à Grand-Mère. Nous nous entraînions à porter nos burqas à la maison. « Oui, mais flou. » Elle trébucha contre un coussin et tomba sur un des divans. Elle se redressa en colère :
« Je refuse de me montrer en public avec cette… cette… chose ! » En 2000, à Kaboul, le gouvernement islamique impose sa férule à la population, pratiquement tout est interdit, journaux, distractions, jeux, etc. Mais voilà qu’il annonce vouloir promouvoir le cricket, pour prouver à ses opposants que l’Afghanistan peut aussi être une nation sportive. La meilleure équipe ira se perfectionner au Pakistan – ce que certains voient tout de suite comme une possibilité de s’enfuir. Mais il faut d’abord connaître les règles du cricket et s’entraîner. Bien sûr, c’est strictement interdit aux femmes. Or la jolie Rukhsana a joué autrefois en Inde… Au prix d’incroyables ruses, subterfuges et déguisements, elle va mettre sur pied une équipe composée de son frère et de leurs cousins, tous bien décidés à se libérer du joug des talibans.
Y parviendront-ils et que risque-t-il d’arriver à Rukhsana l’intrépide, la rebelle ?
Quelques lignes à la page 17…
— Rukhsana, je t’en prie, jure-moi que tu n’as pas écrit d’article récemment. C’est devenu trop dangereux…Tu m’as dit que tu arrêterais.
— Je ne signe jamais de mon nom, me défendis-je tout bas. J’utilise un pseudonyme.
— Crois-tu qu’un pseudonyme te protégera de quelqu’un comme lui ?
— Derrière moi, Jahan se balançais incommodément d’un pied sur l’autre – il avait fini par accepter de mauvaise grâce d’être mon mahram en m’accompagnant quand j’avais besoin de rencontrer des informateurs.
— Quel est le dernier sujet que tu as traité ? demanda finalement Mère les larmes aux yeux.
— L’exécution de Zarmina…mais Maadar, je ne l’ai pas signé. Si c’est vraiment à cause de cet article que je suis convoquée, je nierai en être l’auteur (…).
Un livre palpitant et suffoquant sous la plume d’un des plus célèbres écrivains indiens né en 1942 à Madras : Timeri N. Murari.
Ecrit dans l’Afghanistan islamiste où règne la terreur ; où les femmes sont bâillonnées et réduites au port de la burqa, avec pour seule vue une grille destinée à masquer leur regard ; où les tortures et les assassinats sont la seule respiration de cette société qui se meurt sous le joug de l’islam radical. À lire.
MF