Les derniers rois de Thulé, de Jean MALAURIE, publié en 1991 aux Éditions Pocket. Avec les Esquimaux polaires face à leur destin.
Jean Malaurie est directeur du Centre d’Études arctiques à l’École des Hautes Études en sciences sociales. La première chaire de géographie polaire fut créée pour lui en 1957 par le grand historien Fernand Braudel. Jean Malaurie a fondé et dirige la célèbre collection Terre Humaine. Écrivain, il a publié Les derniers rois de Thulé en 1955 (première édition) traduit en 23 langues. Thèmes de recherche géomorphologiques dans le Nord-Ouest du Groenland (1962), Ultima Thulé (1990), l’Appel du Nord (2001), L’Allée des baleines (2003), de la Vérité en ethnologie…Figure de proue de l’histoire polaire française, il a été nommé Ambassadeur de bonne volonté pour les régions polaires arctiques de l’UNESCO.
Extrait de la page 26.
« Le paradoxe est tenace à Godthaab (Nuuk ou le Cap en langue groenlandaise), capitale du Groenland : sur le littoral les moutons broutent de la morue en regardant passer les Icebergs. Un « native » habillé de peaux de phoque, coiffé d’une casquette yankee, et chaussé de sandales de tennis, nous croise. Chaque matin à l’escale, c’est pour les voyageurs, je dois l’avouer, une déception renouvelée que de ne pas trouver en cette grande île polaire, une nature intacte. Certains escomptaient des iglous de neige, des esquimaux sauvages, des meutes de chiens féroces. Nous butons sur un décor coloré de village scandinave, sur des métis en salopette, se rendant à vélo au travail (…).De fait, lorsque nous parcourons les rues de ces petites villes de la côte Sud-Ouest, Julianehaab, Frederikshaab, Holsteinsborg, Godhavn, Jakobshavn, c’est pour découvrir des chantiers portuaires en pleine construction. Des camions chargés de manœuvres à faces de Mogols passent et repassent. Les perforeuses qui nivellent le roc assourdissent l’amateur de solitude. À midi enfin, « l’explorateur » accablé perd ses dernières illusions : l’arrêt du travail à la mine de lignite de Qullisat est signifié par le ululement d’une sirène… Veut-il ailleurs parfaire ses impressions ? À Godthaab, il lui reste à visiter le musée où l’on empaille les derniers restes d’un passé qui meurt : « l’usine à morues », l’hôpital, l’imprimerie, vieille d’un siècle ; à Christianshaab, la conserverie de crevettes ; dans les principaux centres, la station radio, la « boutique (comptoir danois établi par l’Administration pour l’approvisionnement de la population en produits européens) », le centre administratif enfin, ce vaste ensemble qui constitue en chacune de ces cités côtières l’embryon de la vie moderne (…). »
Sur le communalisme des Inuits et leur confrontation à la civilisation.
Ce livre documentaire, scientifique, géologique, militant est passionnant à plus d’un titre. Il nous livre une description détaillée de la vie « communautaliste » des Inuits du Groenland et leur confrontation à la civilisation. L’anthropologue Jean Malaurie traite des thèmes variés : la chasse, la vie en communauté, la vie en famille, les légendes esquimaudes, le chamanisme… Ce grand témoignage nous montre comment un peuple s’adapte à des conditions de vie extrêmes. En se posant les questions fondamentales sur l’avenir des Inuits face à la montée du capitalisme sauvage et du modernisme, il amène ses lecteurs à des interrogations de fond. Le livre est une succession de mises à jour réalisées sur une période d’une vingtaine d’années.
Ce qu’en dit l’éditeur en quatrième de couverture.
En partageant la vie rigoureuse des Esquimaux polaires, les Inuits, en mangeant avec eux l’hiver ces oiseaux d’été qui ont pourri sous les pierres, en écoutant, durant trois mois de nuit polaire, leurs légendes d’un rare pouvoir imaginaire, leurs récits dramatiques d’expéditions au pôle avec Peary, Cook, leurs fameuses expéditions avec Knud Rasmussen, Jean Malaurie est devenu l’interprète de la grandeur de leur civilisation. De la pierre à l’homme, du chasseur individualiste au groupe communaliste : tel est l’itinéraire. Comme Jean Malaurie (premier Français à avoir atteint, le 29 mai 1951, le pôle géomagnétique Nord en traîneau à chiens), on se sent devenir militant en découvrant que cette société du pôle, d’esprit chamanique, qui vivait durement mais heureuse et libre depuis des millénaires, est agressée par une gigantesque base nucléaire. Est ainsi posé le problème universel de la défense des minorités traditionnelles. Témoignage vécu d’une de ces violentes confrontations de civilisation que connaît de nos jours l’Arctique, ce livre n’est pas seulement l’œuvre de référence sur le peuple esquimau dans son passé héroïque et son présent difficile : il crée, sans conteste, un genre littéraire absolument nouveau. Il a été traduit en vingt langues, et adapté, à deux reprises, à la télévision française. Le livre le plus diffusé au monde sur le peuple inuit. C’est « le » classique.
« Tu nais, tu luttes, tu meurs… » : Fascinant !
Ce grand témoignage de l’anthropologue Jean Malaurie, rectifié durant près de vingt ans, est une immersion totale dans l’univers des Inuits. Revenant en arctique, il nous fait vivre, en 900 pages, la vie actuelle des Inuits, et leur violente confrontation à la civilisation moderne, et ce jusqu’à l’implantation d’une base nucléaire. Il faut prendre le temps de lire ce livre fascinant !
Et cette citation de Jean Giono (L’Eau vive), mise en exergue dans le livre :
« On ne peut pas connaître un pays par la simple science géographique… On ne peut, je crois, rien connaître par la simple science ; c’est un instrument trop exact et trop dur. Le monde a mille tendresses dans lesquelles il faut se plier pour les comprendre avant de savoir ce que représente leur somme…Seul le marin connaît l’archipel. »