Nous avons déjà eu l’occasion d’écrire sur le site l’Ecrivain des passions à propos de Jean-Christophe Rufin : lorsqu’on aime on ne compte pas ! Après nos commentaires sur Immortelle randonnée et l’Abyssin, nous nous attardons aujourd’hui sur Les sept mariages d’Edgar et Ludmilla, publié en 2019. Nous ne reviendrons pas sur une présentation générale de l’Académicien et son parcours. Nous soulignerons simplement qu’il a publié des romans historiques nourris d’enjeux actuels ; mais il a aussi créé des univers romanesques contemporains, inspirés par son expérience de médecin humanitaire et de grand voyageur.
Ce que nous dit la quatrième de couverture.
« Sept fois ils se sont dit oui. Dans des consulats obscurs, des mairies de quartier, des grandes cathédrales ou des chapelles du bout du monde. Tantôt pieds nus, tantôt en grand équipage. Il leur est même arrivé d’oublier les alliances. Sept fois, ils se sont engagés. Et six fois, l’éloignement, la séparation, le divorce…
Edgar et Ludmilla… Le mariage sans fin d’un aventurier charmeur, un brin escroc, et d’une exilée un peu perchée, devenue une sublime cantatrice acclamée sur toutes les scènes d’opéra du monde. Pour eux, c’était en somme : ni avec toi, ni sans toi. À cause de cette impossibilité, ils ont inventé une autre manière de s’aimer.
Pour tenter de percer leur mystère, je les ai suivis partout, de Russie jusqu’en Amérique, du Maroc à l’Afrique du Sud. J’ai consulté les archives et reconstitué les étapes de leur vie pendant un demi-siècle palpitant, de l’après-guerre jusqu’aux années 2000. Surtout, je suis le seul à avoir recueilli leurs confidences, au point de savoir à peu près tout sur eux.
Parfois, je me demande même s’ils existeraient sans moi. »
Extraits de la page 67 et 68.
« Ils restèrent un mois dans la chambre du boulevard Vincent-Auriol avant de s’installer dans un minuscule deux-pièces de Malakoff, ironique ment situé rue Lénine. Le contraste entre eux était saisissant. Ludmilla s’émerveillait de tout. Elle faisait de longues promenades dans les rues pavillonnaires, en regardant avec attendrissement les façades en briques, les petits perchoirs à oiseaux dans les jardins, les lions en plâtre autour des portails. Elle avait bien compris qu’elle ne devait plus grimper aux arbres mais elle recherchait toujours les points hauts, marchait jusqu’aux collines de l’Haÿ-les-Roses ou de Meudon, montait parfois tout en haut des immeubles, quand la cage d’escalier était ouverte, pour regarder la banlieue. Et ce bonheur la faisait chanter, à voix basse quand elle était dans les rues, à pleine gorge lorsqu’elle arrivait dans un endroit découvert et désert, comme la terrasse du parc de Sceaux en hiver. Edgard, lui, montrait tous les signes du désespoir. Il avait contracté quelques dettes pour financer son voyage en Ukraine et devait maintenant les rembourser. À cela s’ajoutaient la location de l’appartement et les frais de la vie quotidienne. Il se rendit compte que son avenir n’était pas dans la photo, comme il l’avait espéré (…) »
Extrait de la critique de Stéphanie Janicot dans La Croix
Tout commence par l’épopée de quatre jeunes gens, partis en voiture de Paris vers l’Union soviétique à une époque où l’Occident commence à s’interroger sur la grandeur du communisme. La presse française n’est pas contre un petit reportage, les autorités poststaliniennes aimeraient bien redorer leur blason et s’empressent d’accepter cet éclairage inédit, sous strictes conditions. Parmi les quatre aventuriers, Edgar, qui sera, malgré lui, le héros de cette histoire, a eu une enfance provinciale pauvre. Que sa petite amie de l’époque soit du voyage, assise à ses côtés dans la voiture ne va pas empêcher Edgar de tomber obsessionnellement amoureux. L’objet de sa fascination est une jeune fille dénudée, perchée dans un arbre, alors que leur convoi traverse un village d’Ukraine. Une folle peut-être ? Edgar ne s’arrêtera pas à cette hypothèse. De retour en France, il éprouve un besoin impérieux de la retrouver, de la connaître, de la sauver. À peine se souvient-il du nom de son village, mais son prénom, il ne l’a pas oublié : Ludmilla.
Les irrésistibles ascensions de ses héros.
L’énergie déployée par Edgar pour retrouver Ludmilla donne le ton de cet amour rocambolesque qui va nous tenir en haleine pour les soixante années (et presque quatre cents pages) qui vont suivre. La sauver de l’oppression, de la pauvreté, voilà qui donne à Edgar un but sur cette terre. Le retour à Paris sera fort difficile. Edgar a beau avoir joué les princes conquérants, avoir arraché sa princesse à sa vie de misère, il se sent plutôt minable, dans son appartement de fortune en banlieue, ne réussissant pas à offrir à la femme qu’il aime la vie resplendissante qu’il imagine pour elle. Les ennuis peuvent, dès lors, commencer. Laissez-vous emporter par ce livre d’un Jacquet parti à la découverte du monde, de son monde, de notre monde…Un voyage philosophique et littéraire, bercé par les doux et chauds vents espagnols, contraint à l’effort par sa dureté. Mais aussi un chemin authentique et humain, à la recherche de l’Essence de l’être. Des moments d’autodérision et d’humour aussi. Une infinité points de départ, une unique destination, une multitude de destinées.
Je confirme à l’auteur de ces lignes publiées dans La Croix : un livre passionnant.
Marc Fouquet
06/01/2023