L’Écrivain des passions consacre cette rubrique Mes coups de cœur au remarquable roman Le grand monde de Pierre Lemaitre, prix Goncourt en 2013 pour Au revoir là-haut. D’origine modeste, ses parents étaient employés, l’auteur passe sa jeunesse à Aubervilliers et Drancy. Psychologue de formation et autodidacte en littérature, il enseigne la communication et la culture générale dans le domaine de la formation des adultes. En 2010, il publie Cadres noirs, un thriller social inspiré d’un fait divers. En 2013, Au revoir là-haut, un roman picaresque, remporte le Goncourt, suivi par Le dictionnaire amoureux du polar. En 2022, il feuille le siècle avec une tétralogie intitulée Les années glorieuses dans laquelle on trouve Le grand monde et, en 2023, Le silence et la colère. Il est considéré par Stephen King comme « a really excellent suspense novelist. » Le grand monde, est publié par Calmann-Lévy en 2022.
Ce que nous dit la quatrième de couverture.
La famille Pelletier. Trois histoires d’amour, un lanceur d’alerte, une adolescente égarée, deux processions, Bouddha et Confucius, un journaliste ambitieux, une mort tragique, le chat Joseph, une épouse impossible, un sale trafic, une actrice incognito, une descente aux enfers, cet imbécile de Doueiri, un accent mystérieux, la postière de Lamberghem, grosse promotion sur le linge de maison, le retour du passé, un parfum d’exotisme, une passion soudaine et irrésistible. Et quelques meurtres.
Extraits de la page 63 et 64.
« (…) Le Mah-jong tirait son prestige de son ambivalence. La clientèle, c’était le public bourgeois de Saïgon, des couples de Français qui se tombaient dans les bras, les femmes portaient des colliers, des boucles d’oreilles, des châles en soie, des éventails démodés et riaient à gorge déployée, les hommes en costume de lin froissé les tenaient par les épaules, fumaient des cigarettes à bout cartonné, tout ce petit monde buvait des Martini et cognac-sodas en parlant fort. Orchestre avec deux accordéons, chanteuse en robe lamée. Des hommes par deux, par trois s’installaient avec la nonchalance débonnaire d’amis venus achever la soirée et entrés presque par hasard pour le coup de l’étrier. Au bar, les taxi-girls asiatiques regardaient la salle et échangeaient des commentaires à voix basse. On se serait cru dans un établissement parisien.
Mais à l’extrémité opposée, c’était tout autre chose.
Aux tables serrées près du vestiaire, les filles étaient là pour une danse d’une autre nature.
Elles étaient cinq ou six en permanence, Annamites en tunique courte qui se relevaient outrageusement lorsqu’elles s’asseyaient face à la salle. Chinoises hautaines en robe fendue jusqu’au haut de la cuisse qui posaient sur le monde un regard condescendant. Et s’était le ballet des hommes qui, la cigarette aux lèvres, s’approchaient du vestiaire avec l’air désintéressé de qui vient juste quérir un renseignement, celui des jeunes Vietnamiennes acceptant de se joindre à une table pour un verre et qui riaient dans le creux de leur main, échangeant entre elles des gloussements de collégiennes (…). »
Le maître du roman !
À juste titre on peut dire qu’il est devenu maître du roman !
Un roman lumineux sur la vie à Beyrouth après la Seconde Guerre mondiale dans le contexte d’une France qui tente de se reconstruire sur des ruines et une Indochine qui se dissout dans la corruption et le Vietminh. Une belle écriture donne un souffle supplémentaire au récit auquel on s’accroche. Une grande saga familiale.
Passionnant !
Marc Fouquet
26/01/2023